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La Royal Academy de Londres rend hommage à Braque, l'artisan et le poète du cubisme et de la nature morte. Il est peu d'expression qui soit plus caractéristique, plus complète et plus harmonieuse du cubisme que l'art de Braque dans son épanouissement.
L'évolution majeure de son œuvre ne peut mieux se lire que dans ses natures mortes où l'artiste livre son interprétation la plus hardie du réel et de la nature.
Dans ses innombrables natures mortes, Braque a tenté de son der l'inépuisable réa lité génératrice de formes, découvrant peu à peu cet "espace d'avant la raison et les calculs" dont parlait Jean Paulhan.
Né dans une fa mille d'artisans en 1882, Georges Braque fut d'abord peintre décorateur, comme son père et son grand père. L'artiste revendiquera toute sa vie cette formation dont on retrouve, dans les natures mortes, la "pâte" artisanale.
Proche de Matisse et Derain, ses premiers paysages aux couleurs vives sont influencés par le fauvisme, auquel il adhère à ses débuts. La rétrospective Cézanne en 1907, puis la rencontre avec Picasso la même année vont l'inciter à orienter ses recherches vers une nouvelle vision de la forme comme en témoignent les toiles peintes de l'Estaque pendant l'été 1908. Ces recherches vont conditionner toute la vision de l'objet dans la création artistique du XXe siècle : découpé, vu sous plusieurs angles en même temps, métamorphosé en facettes géométriques, rendu dans une palette austère de bruns et de gris, l'objet va devenir le centre de convergence de l'abstraction géométrique.
Georges Braque se libère très vite du cubisme nouveau, tel que Picasso l'avait défini depuis 1914 pour élaborer une vision nouvelle d'un cubisme plus personnel comme le révèlent ses natures mortes et leur création mesurée.
Le dessin se fait alors plus aigu. Le trait prend les allures d'une phrase musicale sans fin, servant à définir les formes et à faire vibrer une arabesque riche de pouvoir décoratif à travers la composition.
La palette est devenue plus claire avec de puissants rouges, des roses, des violets, parfois des jaunes que le pinceau dispose avec une étonnante liberté. La qualité intrinsèque des tons facilite l'intégration de la forme et du volume dans le tableau.
Les toiles eurythmiques de Braque délivrent une impression de puissance, de raffinement et d'équilibre.
Son sens du tableau-objet est devenu sens des objets, du tableau. Son amour pour les objets du quotidien lui permet de parvenir, comme Chardin, malgré l'apparence d'objectivité, à en dire la vie secrète et à exprimer l'ineffable mystère des choses de notre petit monde.
Dans un répertoire volontairement limité, irrésolu ment intimiste, répétant sans cesse les mêmes motifs devenus archétypes, Braque affirme son renouvellement permanent.
Dans un entretien qu'il accorde à Georges Charbonnier, Braque précise ce qui lui semblait être une erreur d'interprétation: "(Les gens) ont l'air d'ignorer totalement que ce qui est entre la pomme et l'assiette se peint aussi (...) cet entre-deux me paraît un élément aussi capital que ce qu'ils appellent l'objet. C'est justement le rapport de ces objets entre eux et de l'objet avec l'entre-deux qui constitue le sujet". Cette citation annonce déjà la dialectique sur laquelle tout un pan de la création contemporaine va s'articuler, sur ce jeu du plein et du vide jusqu'aux recherches de l'art minimaliste d'un Don Judd.
Chez Braque, la peinture "précise l'intervalle..., les vides devenus tangibles sont renforcés par la non-coïncidence de la couleur et des formes qui débordent parfois du dessin, à la manière de Dufy, ou au contraire n'atteignent pas le trait sensé les contenir".
L'exposition à la Royal Academy révèle la remarquable cohérence stylistique de l'œuvre de Braque qui multiplie les manières de considérer les rapports de la ligne et du volume, de la forme et de la couleur. Une œuvre fondée sur la nature morte, conçue comme un microcosme de patience et de délectation.
T. Demaubus