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36.00 x 45.00 cm
6O180
Tirage récent d'après l'oeuvre de l'artiste,Signée dans la planche en bas à droite,format encadré 84 x 74 cm.
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De Van Gogh à Mondrian
Le musée d'Art Moderne de la Ville de Paris présente une exposition intéressante de part son parti pris. Retenir douze artistes des Pays-Bas de la première moitié du XX° siècle. dont les uns sont très connus et d'autres pratiquement méconnus de l'amateur non averti. peut sembler un pari sinon risqué du moins dérangeant pour les habitudes muséales. Dans une interview que Suzanne Pagé, commissaire de cette exposition, a accordée à notre confrère Denis Picard (-Connaissance des Arts), nous retenons cet extrait qui pourrait faire réfléchir beaucoup de ses confrères (ou consoeurs !):
“../…. Une exposition ne devrait pas chercher à vérifier des postulats. Pour moi, il s'agit d'abord d'un contact direct avec des oeuvres, les plus fortes, préservées comme telles sans la trahison que constitue un volontarisme démonstratif. Aux oeuvres alors de forcer seules les présupposés et les postures intellectuelles convenues...
Une expérience sensible forte doit pulvériser les grilles préétablies. Ce que j'attends d'une exposition, c'est qu'elle soit nécessaire pour aujourd'hui et, au risque de déstabiliser les convictions, qu'elle propose de nouvelles aventures, ouvre à des alternatives, qu'elle sorte des orthodoxies..."
L'exposition s'ouvre sur un tableau de Van Gogh qui parraine en quelque sorte toute cette exposition. Il s'agit du très reproduit "Autoportrait au chapeau" de 1887, qui se trouve habituellement au musée du peintre à Amsterdam. Figure emblématique s'il en est, on peut penser qu'il n'aurait pas été surpris par la première partie de l'exposition qui donne à regarder ce qu'on a appelé "l'école luministe". Paysages hollandais traduits dans une lumière pointilliste et vibrante, ce courant fut suivi par un petit nombre d'artistes dont les influences allaient de Van Gogh bien entendu, jusqu'au "Fauves" quant à l'éclat et l'opposition des couleurs franches.
Peu connu, c'est donc avec un vif intérêt que l'on découvre les oeuvres de Jan Sluijters, telle ce "Paysage de Laren avec soleil d'octobre", dans lequel le soleil, véritable oeil de lumière, inonde de ses rayons la totalité de la toile. Et c'est l'ensemble du paysage qui semble être assujetti à la direction de la lumière solaire, comme si le soleil devenait alors le point central d'où fuient toutes les lignes de la composition. Ce sont aussi les merveilleux tableaux de Jan Toorop, dont le “Pêcheur de coquillages" apparaîtra comme une très belle citation de l’oeuvre de Seurat, mais en y ajoutant une espèce d'évanescence où le sable et le ciel semblent se diluer autour de la figure du pêcheur, lui-même presque englouti par les effets de lumière. De Jan Toorop on pourra admirer d'autres tableaux beaucoup plus personnels et dans lesquels le merveilleux dessinateur nous donne des oeuvres beaucoup plus symbolistes et fortes. Ce fut un des plus brillants représentants de l'Art Nouveau qui, on le sait, jonglera avec l'arabesque, le décor traité comme une dimension autonome et dont le projet était de changer l'architecture et tous les objets de la vie quotidienne pour en faire de véritables oeuvres d'art. On ne peut oublier l'architecture de Gaudi à Barcelone. Après sa conversion au catholicisme, en 1905, Toorop traitera ses sujets plus religieux avec la même dextérité graphique, s'attachant à faire naître un climat de mystère dans lequel baignent les figures.
Dans ce même courant luministe, l'exposition nous permet d'admirer quelques très belles oeuvres de Léo Gestel et de Jacoba van Heemskerck. Du premier le très remarquable “Arbre d'automne”, toile de 1910 (113 x 87,5), marque la priorité de la couleur vive et de la traduction d'une sensation picturale née du choc chromatique. L'influence fauve se fait alors sentir sans pour cela faire perdre son identité au peintre. Une autre très belle facture s'exprime dans la toile intitulée "Paysage le soir près de Montfoort” où l'étendue d'un champ cultivé est un prétexte à poser, par touches indépendantes les unes des autres, une multitude de couleurs qui se prolongent dans le ciel, lui-même traité avec des jaunes, des bleus, de l'orange, du vert et quelques touches de rose. Une petite merveille chromatique dans laquelle le peintre se laisse guider par le pur plaisir de la couleur.
Dans cette première partie de l'exposition, il nous est donné de voir de très nombreuses oeuvres de ce qu'il faut bien appeler "le cas” Mondrian. C'est ici une sélection de sa palette picturale avant qu'il ne rompe radicalement avec toute figuration. Puisque Mondrian est surtout connu pour la deuxième partie de sa production, c'est avec une curiosité très avivée qu'on peut parcourir le résumé de son itinéraire. On y sent toutes les influences citées pour les peintres précédents. Mentionnons à cet égard une magnifique toile “Arbres au bord du Gein" qui date de 19071908 et dont la vision est un des plus beaux moments de cette exposition. Mais, on peut sinon comprendre la future rupture que Mondrian va produire, du moins en apercevoir les prémisses dans quelques toiles figuratives où il commence à frôler l'abstraction en simplifiant les formes à l'extrême, en ne composant ses paysages que sur deux ou trois lignes de fuite et en donnant la parole presque exclusivement à la couleur. Tels sa “Plage de Domburg” qui date de 1910, ou son "Paysage au clair de lune” de 1907. Le Musée d'Art Moderne nous permet de regarder toute la série des "Compositions ovales” qui ont rompu totalement avec la figuration pour ne privilégier que la sensation plastique.
Pour rester avec Mondrian, nous sauterons un instant la suite de l’exposition afin de le retrouver dans la salle entière qui lui est consacrée, alors qu’il a, avec Théo van Doesburg et Bart van der Leck, créé le mouvement « De Stijl » autour de la revue du même nom. Il est utile de rappeler les positions que Mondrian affirme à partir de 1917 et qui avaient été précédées, lors de son premier séjour à Paris de 1912 à 1914, par sa rencontre avec le cubisme. Il dresse alors un programme qu'il suivra pendant vingt années. Priorité aux trois couleurs primaires rouge, jaune et bleu auxquelles s'ajoutent le blanc, le noir et le gris. La forme sera exclusivement réservée à la rencontre orthogonale de deux lignes, l'angle droit. On pourrait s'appesantir sur le pourquoi et les fondements de cette radicale décision. Il faudrait un article particulier. Une réflexion s'impose malgré tout : l'anéantissement de l'individuel, de la figure, au profit d'oppositions froides et tranchées où l'on peut, à loisir, voir le masculin et le féminin, la matière et le vide et, pourquoi pas, l'être et le néant... Il reste que la vision qui nous est proposée dans la très grande salle blanche, où sont accrochées avec les siennes des oeuvres géométriques de Van Doesburg et de Bart van der Leck, a le mérite de nous placer devant les oeuvres. J'avoue que ce perpétuel retour au carré, au géométrique systématique, non moins systématisé dans l'emploi des couleurs, ne m'a convaincu que d'une seule chose : sa froideur et son caractère complètement impersonnel. C'est le même sentiment qui nous assaille dans nombre de halls modernes dans lesquels tout accident semble banni. Mais, l'époque a produit ses amateurs au-delà de ce que Mondrian aurait pu espérer.
Mais, revenons maintenant à la suite du parcours logique de l'exposition que nous avions quitté avec la première période figurative de Mondrian. La véritable révélation de cette présentation de la peinture des Pays-Bas de la première moitié du XXe siècle étonnera plus d'un visiteur. Un courant très réaliste, qu'on a aussi appelé le "Réalisme magique" propose des oeuvres d'une force exceptionnelle et réalisées par des artistes à la personnalité non moins accentuée. D'abord Pyke Koch avec son "Tir forain” de 1931 rompt avec l'abstraction géométrique aussi bien qu'avec l'expressionnisme, pour revenir à une sorte d'hyper-réalisme pictural mais mis au service d'une vision acide, ironique qui déplace le regard posé pourtant sur la réalité la plus photographique pour, imperceptiblement, le plonger au cœur d'une ambiguïté perceptive.
Le jeu aussi a sa part. La citation et la facétie ont aussi leur place dans ce mouvement réaliste avec les très belles oeuvres de Dick Ket qui ne vécut que jusqu'à trente-huit ans et dont toute l’oeuvre mériterait un article particulier. Son "Autoportrait au géranium rouge" est une petite merveille, qui joue avec l’“Autoportrait" de Dürer, mais en y intégrant la part de dérision et d'humour qui semblent ne pas avoir manqué à ce très grand peintre peu connu. La "Tête de Méduse" de Charley Toorop (fille de Jan Toorop), toile de 1938, ou son “Autoportrait aux trois enfants" nous proposent une représentation de la figure humaine où le réalisme le plus net introduit pourtant au mystère le plus profond, produit par la fixité des regards qui semblent nous inviter à nous figer définitivement dans l'instant. Parmi tous ces portraits où est mise en valeur la figure humaine, on admirera un tout petit tableau (20 x 17 cm) de Jan Mankes "Autoportrait au hibou", qui témoigne d'une sensibilité et d'une grâce qui invitent à en savoir plus sur cet artiste qui mourut lui aussi très jeune (1889-1920).
Mais, pour finir, je m'en voudrais de ne pas évoquer deux tableaux de Bart van der Leck qui se situent avant sa facture géométrique citée plus haut. Il s'agit des toiles “Au Marché" de 1913 et "Quatre soldats" de 1912, dont la composition, le dessin et la force plastique m'ont ravi non sans produire un certain sourire pictural bien éloigné du mouvement De Stijl.
Comme on le voit cette exposition propose un parcours où les émotions sont sans cesse remises en cause, non moins que les idées que l'on a pu se faire sur des peintres connus et reproduits et dont la célébrité participe peut-être des fois plus que nous ne le croyons à nos émotions. La découverte de Dick Ket, de Pyke Koch ou de Charley Toorop réussira, sans doute, à "forcer les présupposés et les postures intellectuelles convenues".
A. Calonne