Henry D'Anty : une fête de couleurs

Henry D'Anty : une fête de couleurs

Ce qui est remarquable chez d'Anty, c'est son sens de la construction et de la mise en page toute personnelle de la toile, qui vient renforcer le jeu savant des contrastes.Ses célèbres toits rouges possèdent tant de relief et de densité, ses visages montrent tant d'expression et de vie, qu'on ne peut qu'être touché au plus profond de soi lors qu'on les contemple.Plus qu'aux yeux, d'Anty s'adresse à l'âme et à ses mystères comme l'illustrent bien ses visages de Christ ou ses "vierges à l'enfant", témoignent d'une intériorité intense et rare.D'Anty ne peint pas au hasard d'une inspira tion futile, il peint par la nécessité de la passion intérieure qui le dévore. Tous ses tableaux sont uniques tant pour la forme que pour leur sens ornemental ou pour leur couleur.Le peintre trace dans les premiers plans d'étonnantes découpes colorées, des arbres hérissés qui n'ont rien à envier aux réussites audacieuses des peintres abstraits. Tel objet fixe un vide, un autre souligne la masse, certains traits maintiennent le sujet, d'autres l'absorbent.La toile sur laquelle il projette sa vision du monde ou son univers intérieur crée une matière et, absorbant l'huile, marque le trait en le faisant apparaître plus viril, plus incisif, plus vivant. L'art de d'Anty est avant tout un art de visionnaire mystérieux et hallucinant à la fois, un art fascinant l'esprit par sa force prodigieuse de suggestion.Ce qui explique son refus catégorique de disposer ses sujets dans une manière classique d'Anty n'hésite pas à "étirer" ses personnages suivant une ligne spatiale, comme en témoignent ses fameux "Don Quichotte". Ce qui explique aussi son souci d'exploiter au maximum la surface, restituant l'atmosphère par des formes décoratives et chaleureuses..Ce qui confère toute l'authenticité des œuvres de d'Anty, ce sont sans doute ces rouges saturés à travers lesquels circulent toute l'énergie et le réalisme de son art.Peintre des clowns et des manèges, des portraits et de paysages, d'Anty sait également traduire à la perfection les bouquets aux pétales charnus et vibrants de couleurs.Couronné par le prix Cézanne en 1959, adulé aux Etats-Unis où il fut reconnu dès le début des années 50, exposé dans de nombreux musées à travers le monde, notamment au Québec, au Texas, à Varsovie, et à Barcelone, il faut voir en d'Anty l'une des grandes figures de la peinture expressionniste de notre temps.Continuons de suivre son aventure picturale qui se poursuit à quatre-vingt ans passés, en nous imprégnant de ses toiles qui possèdent l'expression d'une contemplation méditative face au phénomène de l'existence vivante qui grandit, indépendamment des hommes, et qui se développe dans un déroulement du temps avec une patience repliée et lente.

J. DELAUNEY