Judikaël : Entre humeur et dérision

Judikaël : Entre humeur et dérision

 La peinture de Judikaël n'a qu'un sujet, qu'un seul modèle: le peintre lui-même. Avec Judikaël, la peinture ne décrit plus forcément le monde des formes connues mais libère celui des tensions et des angoisses du peintre.

Ce peintre de l'imaginaire n'est-il pas, en vérité, un vrai réaliste, le sens profond des choses n'étant pas seulement dans leur représentation extérieure mais dans leur être véritable ?

Refusant de se soumettre au goût du public, Judikaël est un véritable créateur, visionnaire, précurseur de formes.

Lorsque l'on considère les vingt-cinq années qui se sont écoulées depuis ses premiers dessins sur carton, on est saisi par l'activité créatrice bouillonnante, par la diversité des médiums, par le fourmillement d'idées audacieuses, par le jeu brillant sur la couleur et sur les formes.

Car ces formes vivent. Qu'elles soient poisson, chat, fleurs... Peu importe. Les couleurs sont magiques !

L'œuvre de Judikaël nous rappelle ce qu'est un véritable créateur quelqu'un qui devance la mode ou qui la contredit, quelqu'un qui travaille toujours par-delà le bon goût conventionnel.

Ses tableaux ne sont pas que des "images colorées où chacun peut accrocher ses propres rêves" - selon l'expression de Bissière mais une manière de s'exprimer par l'anecdote, l'étrange ou le fantastique.

Judikaël a tout travaillé : le carton, le bois, le tissu, la moquette et même la tôle !

Il a du ensuite apprendre à "canaliser" on énergie créatrice pour chercher des supports permet tant de communiquer avec le public.

L'œuvre de Judikaël est également sélection de thèmes. S'il se prête parfois aux exercices de style, comme le montre son extraordinaire série sur le

"Déjeuner sur l'herbe" - où il interprète tour à tour le célèbre tableau à la manière de Bacon, de Dubuffet, Picasso et autres Combas, c'est moins pour le simple plaisir de faire la satire de l'art contemporain que de rentrer dans le jeu des peintres et de réfléchir sur les autres. Comme si Judikaël avait voulu se prouver à lui-même qu'il savait tout peindre et révéler au public qu'il demeurait inclassable.

Autres thèmes, autres styles. Judikaël s'attaque aussi aux grands évènements de l'Histoire.

Ainsi pour l'armée Guillaume le Conquérant, il déci de de reprendre le thème de la tapisserie de Bayeux et travaille sur de la moquette.

Il invente d'ailleurs de nouveaux outils pour élaborer son œuvre sur ce médium. Quelques années plus tard, ce sera ses fameuses "têtes coupées" sur tissu bleu - blanc - rouge à l'occasion du Bicentenaire de la Révolution française. Cette année, Judikaël a choisi d'improviser sur le thème de Christophe Colomb en réalisant une fresque gigantesque. Ainsi les créations de Judikaël deviennent des sculptures objets - délires structurés - où par la lumière, la mobilité, le palpable et l'humour, toutes les idées voyagent. Cette démarche trouve un aboutissement dans. ses expansions faites de mousse de polyuréthane et de couleurs.

On comprend alors mieux pourquoi Judikaël s'intéresse aux gens du voyage, au monde du cirque où cohabitent étroite ment liberté, folie et couleurs.

En regardant la toile, le spectacle est forcé d'accepter l'insolite qui relève du monde du cirque.

N'hésitant pas à mélanger peinture acrylique et vinylique pour obtenir tel ou tel effet, ce manipulateur d'images, ce magicien des couleurs, cet équilibriste des formes a su créer une nouvelle dimension pour la peinture.

Au-delà de la diversité des médiums, une liberté d'interprétation farouche le démarque des autres figuratifs. Comme chez l'émailliste, tout joue chez lui sur l'intégrité des matériaux. Judikaël est sans aucun doute l'un des peintres figuratifs français le plus brillant et le plus inventif.

T. DEMAUBUS